Automne, glorieux automne,
superbe chef d'orchestre, tu sais nous faire goûter la saveur de formidables accords symphoniques.
Sur le bronze sombre des épicéas,
basse continue des violoncelles et des contrebasses,
notes profondes des bassons,
les cuivres chauds des hêtres retentissent,
et chaque arbre joue sa partition:
coulée veloutée des mélèzes,
entre vert tendre et jaune,
le tapis des violons étend ses sortilèges,
arpèges des érables du jaune au rouge tendre,
hautbois et clarinettes s'élèvent au coeur de l'orchestre,
note d'un rouge plus profond de l'alisier en fruit,
saxophone jouant sa partition.
En sourdine, entrons dans le sous-bois, pianissimo
découvrons la note haute des trembles, trompette claire
rejointe par la clarinette de l'érable
déclinant toute un gamme chromatique;
voici que perlent les notes à la harpe des bouleaux,
remplacées par un solo d'alto:
ce frêne fait de la résistance,
et seul de son espèce, conserve encore ses feuilles vertes,
alors que tout ses congénères sont déjà nus
depuis plusieurs semaines...
cet alto nous parle d'un été révolu...
on pourrait presque s'y croire, avec ce ciel si bleu!
Les cuivres des hêtres reprennent leur mélodie chatoyante,
un cerisier sauvage fait retentir ses claires cymbales...
Quels sont ces arbres?
à vrai dire, je ne le sais pas très bien,
mais j'aime la partition qu'ils jouent dans l'orchestre
et ceux-ci, en rideau,
avec ceux-là,
sont comme l'écho d'une danse villageoise,
ronde ou farandole qui donnent,
pour un moment, un accent populaire à la symphonie.
Voici que sélève la voix chaude d'un soliste:
saxophone ténor, c'est un alisier blanc,
et ses fruits, si vifs sur le bleu du ciel,
sont autant de notes hautes qui lui font une parure écarlate;
puis vient le sorbier des oiseleurs: il croule sous les fruits,
et ses feuilles ont pris la teinte passée d'un vieux parchemin,
mais son port gracile évoque le chant ténu d'une flûte;
l'épine vinette aussi porte ses fruits rouges en grappe:
quelques notes de piccolo qui s'égrennent doucement.
Oui, l'automne est un merveilleux musicien...
qui sait aussi écrire pour des formations plus modestes:
quittons l'orchestre des arbres,
penchons-nous au ras du chemin, à l'écoute des solistes...
Là aussi,
buissons et feuilles font entendre leur petite musique:
jeunes érables en buisson,
aux couleurs
variées...
feuilles de ronce...
feuilles joliment découpées
du géranium des Alpes,
sur toute la gamme du jaune au pourpre...
L'automne musicien chante
jusque dans les anfractuosités de la roche:
cette roche calcaire dont sont faites les falaises du Vercors:
qui, débitée en dalles,
servait à délimiter les champs,
et contenir les troupeaux d'ovins...
aujourd'hui, ce sont les chemins qu'elles bornent,
les bovins ont remplacé les ovins...
et le temps a dessiné sur certaines de ces dalles
d'étranges et belles fleurs
de lichen...
Cette même roche a servi à construire de beaux bassins de pierre...
souvenez-vous,
nous avons déjà rencontré ce bassin l'hiver dernier.
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Savourons encore une dernière fois la mélodie colorée de l'automne,
saluons ce pays qui nous offre tant de beautés,
et quittons-le sur la pointe des pieds...
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cela fait tant plaisir!
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